Séjour de recherche en Martinique

Je viens de rentrer d’un très beau séjour de recherche en Martinique, avec ma collègue Louise Hardwick, du 8 au 21 avril. C’est mon troisième voyage dans cette île magnifique des Caraïbes et désormais je peux dire de la connaître de mieux en mieux. Cette fois-ci, nous avons séjourné à Schoelcher, une commune tout près de Fort-de-France, juste au nord sur la côte Caraïbe. Nous avons loué une voiture et cela nous a permis de nous déplacer tranquillement, soit vers Fort-de-France soit vers le Nord et le Sud de l’île. Ça a été un voyage intense et plein de visites et de rencontres humainement et intellectuellement enrichissants (deux aspects de la « recherche » qui ne devraient jamais être séparés). Nous nous sommes rendus plusieurs fois à la Bibliothèque Schoelcher à Fort-de-France (un magnifique bâtiment en style art nouveau, exposé à Paris et ensuite déplacé en Martinique, ouvert en 1893). Nous avons visité aussi le très joli Écomusée de la Martinique à l’Anse Figuier (où il y a en ce moment une importante exposition sur Joseph Zobel), le Musée Régional d’Histoire et d’Ethnographie et les Archives Départementales.

Bibliothèque Schoelcher à Fort-de-France

Bibliothèque Schoelcher à Fort-de-France

On a aussi profité des beautés de ce pays fascinant: pas seulement de ses plages magnifiques et tellement différentes (de la baie du Diamant, aux plages noires du nord à l’eau cristalline et calme de l’Anse Figuier), mais aussi de ses petits villages (Les Anses d’Arlet, Saint-Pierre, Tartane, Carbet, Rivière Pilote, Gros Morne, Fonds-Saint-Denis etc.), de ses routes qui traversent la forêt tropicale, comme la Route de la Trace, de sa capitale créole Fort-de-France, avec ses belles librairies (comme l’ancienne Librairie Alexandre, où nous avons acheté des livres sur la littérature et l’histoire antillaise, qu’on a parfois du mal à trouver ailleurs), ses églises, ses marchés, ses quartiers populaires, comme Texaco et Trenelle, et la Place de la Savane, qui vient d’être réaménagée. Nous avons aussi visité le campus de l’UAG à Schoelcher et le nouveau Campus Caribéen des Arts, qu’on vient d’ouvrir à Lamentin.

Moi avec Saint-Pierre et la Montagne Pelée, vus de la Vierge des Marins

Moi avec Saint-Pierre et la Montagne Pelée, vus de la Vierge des Marins

Mais surtout, on a fait des rencontres très intéressants pour nos recherches : avec un journaliste, traducteur et écrivain comme Rodolf Etienne (notamment traducteur en créole de “Les Indes” de Glissant et de “La tragédie du Roi Christophe” de Césaire et avec lequel nous avons fait un entretien à propos de ses traductions et de ses idées sur la pan-créolité). Nous avons rencontré aussi deux grands amis d’Édouard Glissant, comme le chercheur et écrivain Manuel Norvat, qui vient de soutenir une thèse de doctorat sur l’œuvre de Glissant à Paris III, et le céramiste-sculpteur Victor Anicet, dont l’œuvre s’est beaucoup inspirée de la longue amitié avec son compagnon, commencée dans les années ’60. Il nous a expliqué tout cela lors d’une visite de son atelier, pendant laquelle il nous a montré son travaille artistique et raconté son engagement culturel et politique. Nous avons visité l’espace Foudres d’Édouard Glissant, dédié à l’écrivain par son ami José Hayot à l’Habitation Saint Etienne (HSE). Nous avons aussi été interviewés par Rodolf Etienne pour la page culturelle de France-Antilles, le quotidien le plus important de l’île. C’étaient des rencontres intéressants, avec des personnes généreuses, soit sur le plan humain que sur le plan intellectuel, et qui nous ont beaucoup appris sur la littérature, l’art et la culture martiniquaises et créoles.

Espace "Les Foudres Édouard Glissant" à HSE

Espace “Les Foudres Édouard Glissant” à HSE

Un moment particulièrement émouvant a été pour moi la visite de la tombe de Glissant, réalisée par Anicet lui-même au cimetière du Diamant : il s’agit d’un lieu chargé d’une énergie formidable, coincé entre les maisons du petit village et une de plus belles plages de monde, balayée de vents et de houles très puissants, dont les quatre kilomètres de sable blanche et noire aboutissent au promontoire de la « femme couchée » et à l’îlot volcanique du Diamant. Pas loin de la tombe de Glissant, il y a d’un coté sa maison, où j’avais déjà été avec lui en 2009 lors du Prix Carbet, et de l’autre côté, juste au-dessous du Morne Larcher, l’étonnant monument du Cap 110, dédié aux esclaves morts ensuite au naufrage d’un bateau négrier dans cette baie. J’espère que mes images pourront mieux raconter ce formidable voyage, sur lequel je reviendrai avec plus de détails dans les prochains jours …

Monument du Cap 110 - Anse Cafard

Monument du Cap 110 – Anse Cafard

La tombe d’Édouard Glissant, réalisée par Victor Anicet au Diamant

La tombe d’Édouard Glissant, réalisée par Victor Anicet au Diamant